Je suis né il y a 62 ans dans un département français disparu.. Et voilà qu'au travers d'un entre-filet de France info j'en prends conscience.
Je suis donc né à la maternité du Jardin d'Essais* à Alger. Second d'une fratrie de quatre garçons, fils de gens ordinaires, enfants eux-mêmes voire petits enfants de "déjà pieds noirs". Mes ancêtres se sont retrouvés là-bas grâce aux bons soins de notre république qui y envoyait alors les indésirables de la France ou d'Espagne (contestataires, grévistes et autres). Donc aucune intention de colonisation ni de projet d'enrichissement. Seulement une petite vie à construire, à créer de toute pièce. Et c'est ce qu'ils ont fait, humblement et en bonne intelligence avec les "indigènes*". Les quatre premières années de ma vie se sont bien passées toutes en jeux d'enfants avec mes frères, couvés par une maman pied-noire digne des meilleures caricatures.
1954 a été le début d'une période qui m'a semblé très... bizarre.
Je ne comprenais pas que tout à coup mes parents devenaient fébriles : on entendait des bruits inquiétants, de façon sporadique au début, puis de plus en plus fréquents. Mon père, qui travaillait comme petit fonctionnaire "faisait" les 3/8. Et je me souviens des inquiétudes que ma mère nous retransmettait dès qu'il avait un peu de retard. Mais nous, enfants, vivions sans trop comprendre et profitant quand même de la plage à Staloueli ou Sidi Ferruche ou au Rocher Noir*, des brochettes-parties entre amis et famille, des copains de classe "patos*" ou "arabes*". Et puis vers 1958/59 on a commencé de façon répétée à ne pas pouvoir aller à l'école : manifestations, attentats, ratonnades... Les "événements*". L'apothéose s'annonçait !
1961 le départ avant les autres...
Mon père, je ne l'ai su que bien plus tard, du fait de sa profession, faisait partie de ceux que les algériens avaient pris pour cible. Il nous a donc très rapidement fallu fuir. Dans notre malheur, nous avons eu une chance que beaucoup n'ont pas eue : encore, grâce au boulot de mon père, nous avons atterri en Tunisie. Et nous avons donc eu la chance de prolonger de façon heureuse (plus heureuse!) notre vie en Afrique de nord. Nous avons pu profiter de la douceur de Bizerte. Petite anecdote, j'avais comme camarade de classe un certain Bertrand Delanoë. Il avait déjà la facilité d'élocution que tout le monde connaît maintenant...
2012 j'entends encore parler les Pieds-Noirs
J'ai, comme beaucoup la nostalgie le souvenir vivace de mon enfance dans ce magnifique pays qu'est encore l'Algérie. Mais depuis j'ai beaucoup lu, discuté avec mon père de ce qui c'était passé... Et j'avoue, quitte à m'attirer les foudres de beaucoup, que j'ai compris certaines choses.
Certes, ce pays était un peu le nôtre : nous y avions apporté les structures administratives, commerciales, éducatives..., mais nous avions apporté aussi notre idée de la démocratie, et cette belle idée de la France qu'est la souveraineté nationale ainsi -contradictoirement- que nos méthodes guerrières. N'avions-nous pas enrôlé ces algériens dans notre propre guerre de libération contre les allemands ? N'avions-nous pas fait de-même pour une moins noble cause en Indochine. C'est là-bas qu'on a appris aux algériens à se battre pour contre des gens qui luttaient pour obtenir leur souveraineté ? Nous avons nous-même introduit le germe de la contestation, du refus de l'occupation.
Alors, si l'on peut regretter de ne plus être "chez soi", si l'on peut regretter un mode de vie atypique mêlant culture paysanne française, espagnole et arabe, il faut quand même apprendre à tourner la page. Personne ne peut dire qui a été le plus propre dans cette sale période des "événements*". Je n'aime pas les commémorations, ces moments où il faut à tout prix se replonger dans des souvenirs pénibles, où il FAUT pleurer les morts. La vie, c'est aujourd'hui, demain. Pas hier. Jamais. Ce qui est fait est fait et rien ne permettra de refaire l'histoire : mon grand-père a fait Verdun, mon père a fait la Libération. Je sais donc de quoi je parle : je ne les ai jamais entendu nous rebattre les oreilles de tout ça. Ce que j'en sais c'est pour les avoir questionnés. Ils avaient simplement fait leur devoir de français. Point !
Et maintenant j'entends, avec un accent forcé, ces "pôvres*" pieds-noirs, se lamenter et ressasser encore et encore, "mon pays". Et, moi ça me file le bourdon. Ces pauvres gens qui ne sauront jamais tourner la page et prendre le temps de jouir de ce que la république offre à leurs descendants. Ce n'est pas toujours joyeux, voire enthousiasmant ... mais c'est la vie. La vie.
Pensez simplement aux camps de harkis, ou (moins connus) les camps de vietnamiens (renseignez-vous sur le camp de Sainte Livrade sur Lot dans le 47)
* J'ai utilisé ces mots comme "preuves" de ce que j'écris.
Bien vu!
RépondreSupprimerSans parler de la tentative de génocide du XIXème siècle en Algérie: les braves colons et autorités françaises avaient pour idée de massacrer ou repousser loin les populations indigènes afin de bâtir une annexe de la France blanche, chrétienne de préférence avec un soupçon de judaïsme pour équilibrer...la nostalgie de ça...
Je vous conseille de lire Roger Hanin ou Serge Moati(Villa Jasmin)qui ont un peu le même parcours que vous.
Amitiés
Pour ma part j'aime mieux me référer à Benjamin Stora ou Jules Roy... Chacun ses goûts.
SupprimerAttention avec Stora, il se dit historien mais il n'est pas objectif. Les personnes dont je vous ai parlé expliquent leurs souvenirs et n'instrumentalisent rien.
SupprimerC'est dommage de ne pas lire juste pour voir.
Stora oublie une chose, c'est que tant qu'il n'y aura pas de vraie explication sur les crimes des deux côtés et la condamnation des criminels de guerre comme Le Pen, il n'y aura pas de réconciliation.
Et on ne peut pas d'un côté se dire historien de la Guerre d'Algérie et avoir une attitude équivoque sur les autres crimes contre l'Humanité du côté du Proche Orient, pour moi, attention, c'est mon avis, c'est un opportuniste qui jette de l'huile sur le feu.
Roy, je n'ai rien à dire sur lui, je ne le connais pas assez. Donc avant de donner une opinion, j'irai lire, puisque vous me l'indiquez.
Amicalement